D’après les derniers chiffres publiés par la Haute Autorité de Santé (HAS) en 2021, les personnes âgées de 70 ans et plus représentent au moins un tiers des cas de dénutrition en France¹.
Cela représente au moins 1 million de patients âgés dénutris en France, et une prévalence d’environ 10 % dans la population de 70 ans et plus^*1,2.
La dénutrition peut concerner vos patients âgés en situation de perte d’autonomie, ainsi que ceux autonomes⁶. On estime que la prévalence de la dénutrition dans la population âgée est de 4 à 10 % à domicile, 15 à 38 % en institution, et entre 30 et 70 % à l’hôpital⁵.

On peut anticiper que le poids de la dénutrition va continuer à croître dans les années à venir avec le vieillissement continu de la population française⁵. Selon les projections de l’Insee, les personnes âgées de 60 ans et plus seront près de 20 millions en 2027 et plus de 24 millions en 2050⁸. En se basant sur les chiffres de 2015^**, l’Insee estime que la perte d’autonomie pourrait concerner près de 3 millions de personnes âgées de 60 ans et plus en 2027 et près de 4 millions en 2050⁸. 

Les personnes âgées ont des besoins nutritionnels toujours importants (similaires aux adultes plus jeunes, et même augmentés en protéines), mais ceux-ci ne sont pas toujours couverts par les apports alimentaires⁹.

La première raison à cela réside dans les modifications physiologiques liées à l’âge, comme la dysrégulation courante de l’appétit⁵. On constate notamment une altération du goût et de l’odorat, et un ralentissement de la digestion donnant une sensation prolongée de satiété^9,10.

Les facteurs déclencheurs ou aggravant une dénutrition chez les personnes âgées sont multiples et intriqués⁵. On peut citer comme exemples^4,5,11,12 :

• les maladies chroniques telles qu’un cancer, une insuffisance rénale, un diabète, ou une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) ;
• une maladie infectieuse ;
• les traitements (chimiothérapie anticancéreuse, corticothérapie au long cours, intervention chirurgicale lourde…), et la polymédication fréquente chez les personnes âgées ;
• les troubles de la déglutition, liés par exemple à une pathologie ORL ;
• les troubles bucco-dentaires comme un trouble de la mastication, un appareillage mal adapté ou un mauvais état dentaire ;
• les troubles psychologiques ou cognitifs, tels qu’une dépression, une anorexie mentale et la maladie d’Alzheimer ; 
• des situations psycho-socio-environnementales comme un isolement social, un deuil, une hospitalisation ou une entrée en institution pour les personnes âgées ;
• des difficultés de mobilité ou un handicap ;
• un régime alimentaire restrictif (amaigrissant, sans sel, sans résidu, hypocholestérolémiant…).

Les patients âgés peuvent entrer dans la spirale de la dénutrition : un ensemble d’événements néfastes en cascade qui altèrent encore davantage l’état nutritionnel^13,14.

La dénutrition se manifeste initialement par une perte d’appétit, d’énergie et de poids¹⁵. Il s’ensuit un affaiblissement général du corps et un déficit immunitaire, favorisant la survenue d’infections^9,15. Les infections urinaires sont notamment communes chez les personnes âgées¹⁶.

Pour lutter contre les infections, l’organisme puise dans ses réserves déjà faibles en protéines¹⁷. Le capital musculaire est entamé¹⁷. La fonte musculaire se poursuit, et accentue l’état de faiblesse du patient et son risque de chutes^9,17.

La dénutrition peut entraîner ou aggraver un état de fragilité⁵. Une perte de poids involontaire et une baisse de la force musculaire font d’ailleurs partie des critères de diagnostic de la dénutrition et de la fragilité¹⁸.

L’état de fragilité, pouvant être réversible, précède l’état de dépendance qui est en revanche irréversible¹⁹. La prise en charge des déterminants de la fragilité, notamment sur l’aspect nutritionnel, est ainsi essentielle pour retarder l’évolution vers la dépendance et prévenir la survenue d’événements défavorables¹⁸.

La dénutrition peut conduire à des conséquences particulièrement graves chez les patients âgés : hospitalisation, état grabataire, voire décès^14,15,17. Il est reconnu que la dénutrition peut aggraver le pronostic de maladies existantes, allonger la durée d’hospitalisation et augmenter le taux de réhospitalisations^4,5. On estime que le risque de mortalité est multiplié par 4 chez une personne dénutrie⁶.

On décrit souvent la spirale de la dénutrition comme un cercle vicieux qui est difficile à rompre, d’où l’importance de pouvoir réaliser un diagnostic et une prise en charge les plus précoces possibles^13,14.

La HAS recommande un dépistage de la dénutrition à intervalles réguliers, quelle que soit la tranche d’âge de votre patient²⁰. Elle consiste notamment à rechercher une éventuelle perte de poids, une diminution des apports alimentaires et/ou une réduction de la force musculaire²⁰.

La fréquence de surveillance préconisée chez les personnes âgées de 70 ans et plus est définie en fonction de leur lieu de vie (domicile, hôpital et établissements spécialisés)^7,20 :

• en ville : 1 fois par mois à domicile et à chaque consultation ;
• à l’hôpital en MCO (Médecine, Chirurgie, Obstétrique) et SSR (soins de suite et de réadaptation) : à l’entrée, puis au moins 1 fois par semaine, et à la sortie ;
• en EHPAD (établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes) et USLD (unités de soins de longue durée) : à l’entrée, puis au moins 1 fois par mois, et à la sortie.

Tous les professionnels de santé, quel que soit leur lieu d’exercice, ont un rôle à jouer face à la dénutrition qui constitue un véritable problème de santé publique^1,7,21. Gériatres, médecins nutritionnistes, médecins généralistes, pharmaciens, infirmiers, diététiciens… vous pouvez tous être en première ligne pour sensibiliser les patients âgés sur ce déséquilibre nutritionnel et les inciter à consulter au moindre signe d’alerte^4,7,21,22,23.

Le diagnostic de dénutrition est posé par un médecin en présence de deux types de critères retenus par la HAS : au moins un critère phénotypique et au moins un critère étiologique^4,7,20.

Voici les critères phénotypiques retenus chez les personnes âgées de 70 ans et plus^7,20 :

• Perte de poids ≥ 5 % en 1 mois ou ≥ 10 % en 6 mois ou ≥ 10 % par rapport au poids habituel avant le début de la maladie
• IMC < 22 kg/m²
• Sarcopénie confirmée par une réduction quantifiée de la force et de la masse musculaire

Et voici les critères étiologiques retenus chez les personnes âgées de 70 ans et plus^7,20 :

• Réduction de la prise alimentaire ≥ 50 % pendant plus d’1 semaine, ou toute réduction des apports pendant plus de 2 semaines par rapport à la consommation alimentaire habituelle ou aux besoins protéino-énergétiques
• Absorption réduite (malabsorption/maldigestion)
• Situation d’agression (avec ou sans syndrome inflammatoire) : pathologie aiguë ou pathologie chronique évolutive ou pathologie maligne évolutive

La HAS a publié en 2007 une stratégie de prise en charge de la dénutrition, qui comporte deux volets⁴.
Le premier volet est la prise en charge des facteurs de risque de la dénutrition, en proposant par exemple⁴ :

• une prise en charge des pathologies sous-jacentes ;
• une réévaluation de la pertinence des traitements et des régimes ;
• des soins bucco-dentaires ;
• une aide technique ou humaine pour l’alimentation.

Le second volet est la prise en charge nutritionnelle de votre patient dénutri, qui consiste à augmenter ses apports alimentaires en protéines et en énergie^4,24. La HAS recommande une approche personnalisée selon le statut nutritionnel du patient et le niveau de ses apports alimentaires spontanés en énergie et protéines⁴ :

• des conseils nutritionnels et un enrichissement de l’alimentation en première intention ;
• l'usage de compléments nutritionnels oraux (CNO) quand les mesures diététiques ne suffisent pas ;
• la mise en place d'une nutrition artificielle en dernier recours.

Cette prise en charge personnalisée peut faire intervenir différents professionnels de santé selon la situation^4,25 : gériatres, médecins nutritionnistes, médecins généralistes, pharmaciens, infirmiers, diététiciens…