La prise en charge nutritionnelle de la dénutrition vise à augmenter les apports alimentaires en protéines et en énergie de votre patient7.
La HAS recommande une approche personnalisée incluant1 :
- des conseils nutritionnels et un enrichissement de l’alimentation en première intention ;
- l'usage de compléments nutritionnels oraux quand les mesures diététiques ne suffisent pas ;
- la mise en place d'une nutrition artificielle en dernier recours.
Cette stratégie doit tenir compte de plusieurs paramètres1 :
- le statut nutritionnel du patient ;
- le niveau des apports alimentaires énergétiques et protéiques spontanés ;
- la sévérité de la ou des pathologies sous-jacentes ;
- les handicaps associés ainsi que leur évolution prévisible ;
- l’avis du malade et/ou de son entourage ainsi que les considérations éthiques.
La HAS a défini des critères pour évaluer la sévérité de la dénutrition, et adapter la prise en charge en conséquence2,3,4. Il s’agit de différents types de critères : l’IMC, la mesure de la perte de poids et le taux d’albumine dans le sang (uniquement chez les adultes)2,3,4. La présence d’un seul critère de dénutrition sévère prime sur un ou plusieurs critères de dénutrition modérée2,3.
Critères d’une dénutrition modérée2
(1 seul critère suffit)
Adultes ≥ 70 ans
- 20 ≤ IMC < 22
- Perte de poids ≥ 5 % et < 10 % en 1 mois ou ≥ 10 % et < 15 % en 6 mois ou ≥ 10 % et < 15 % par rapport au poids habituel avant le début de la maladie
- Albuminémie ≥ 30 g/L
Adultes ≥ 18 ans et < 70 ans
- 17 < IMC < 18,5 kg/m2
- Perte de poids ≥ 5 % en 1 mois ou ≥ 10 % en 6 mois ou ≥ 10 % par rapport au poids habituel avant le début de la maladie
- Albuminémie > 30 g/L et < 35 g/L
Enfants et adolescents < 18 ans
- Courbe IOTF 17 < IMC < courbe IOTF 18,5
- Perte de poids ≥ 5 % et ≤ 10 % en 1 mois ou > 10 % et ≤ 15 % en 6 mois par rapport au poids antérieur
- Stagnation pondérale aboutissant à un poids situé entre 2 et 3 couloirs en dessous du couloir habituel
Critères d’une dénutrition sévère2
(1 seul critère suffit)
Adultes ≥ 70 ans
- IMC < 20 kg/m2
- Perte de poids ≥ 10 % en 1 mois ou ≥ 15 % en 6 mois ou ≥ 15 % par rapport au poids
habituel avant le début de la maladie
- Albuminémie ≤ 30 g/L
Adultes ≥ 18 ans et < 70 ans
- IMC ≤ 17 kg/m2
- Perte de poids ≥ 10 % en 1 mois ou ≥ 15 % en 6 mois ou ≥ 15 % par rapport au poids habituel avant le début de la maladie
- Albuminémie ≤ 30 g/L
Enfants et adolescents < 18 ans
- IMC ≤ courbe IOTF 17
- Perte de poids > 10 % en 1 mois ou > 15 % en 6 mois par rapport au poids antérieur
- Stagnation pondérale aboutissant à un poids situé au moins 3 couloirs en dessous du couloir habituel
- Infléchissement statural (avec perte d’au moins 1 couloir par rapport à la taille habituelle)
Première intention : conseils nutritionnels
Plusieurs conseils peuvent être donnés aux patients dénutris (et aux aidants le cas échéant) afin d’augmenter les apports alimentaires en protéines et en énergie1.
Voici une liste de 8 conseils énumérés dans les recommandations de la HAS, et les conseils délivrés par Santé Publique France dans le cadre du Programme national nutrition santé (PNNS)1,8 :
- Surveiller le contenu du réfrigérateur et des placards pour vérifier qu’ils sont toujours bien remplis.
- Respecter les repères du Programme national nutrition santé (PNNS), avec par exemple pour l’alimentation des personnes âgées : de la viande, des oeufs ou du poisson 2 fois par jour, des produits laitiers 3 ou 4 fois par jour…
- Bannir les produits allégés, et privilégier des produits riches en protéines et/ou énergie.
- Continuer à prendre les 3 repas principaux par jour, et ajouter des collations entre les repas.
- Éviter une période de jeûne nocturne trop longue (supérieure à 12 heures) en retardant l’horaire du dîner, en avançant l’horaire du petit déjeuner et/ou en proposant une collation.
- Stimuler l’appétit en rehaussant les plats, selon les goûts, avec des épices ou des herbes aromatiques.
- Varier les modes de cuisson et les textures pour éviter la monotonie.
- Prendre les repas dans un environnement agréable, en évitant dans la mesure du possible de manger seul et en prenant par exemple le temps de décorer la table (nappe, vaisselle, bouquet de fleurs).
Première intention : enrichissement de l’alimentation
La HAS recommande aussi un enrichissement de l’alimentation en cas de dénutrition, avec pour objectif : augmenter l’apport énergétique et protéique d’une ration sans en augmenter le volume1.
La HAS donne quelques exemples concrets pour enrichir les repas d’un patient dénutri1 :
- Potage enrichi avec de la crème fraîche, du lait en poudre…
- Crudités complétées avec des lardons, des dès de jambon, des oeufs…
- Viandes et poissons servies avec une sauce, en gratins, en soufflés…
- Purées, pâtes et riz agrémentés de fromage râpé, de beurre, de jaunes d’oeuf…
- Laitages enrichis avec du lait concentré, de la crème de marron, de la confiture…
Deuxième intention : complémentation nutritionnelle orale
Quand les mesures diététiques ne suffisent pas, le recours à des compléments nutritionnels oraux (CNO) doit être envisagé1.
Ces mélanges nutritifs à prendre par voie orale sont prescrits pour compléter l’alimentation habituelle de votre patient dénutri et n’ont pas vocation à la remplacer1,7.
Il existe une large gamme de CNO, avec différentes spécificités1,9,10 :
- Une composition adaptée pour répondre à différents besoins : teneur énergétique, teneur en macronutriments (protéines, glucides et lipides), teneur en micronutriments (vitamines et minéraux), avec ou sans lactose, avec ou sans gluten, avec ou sans fibres…
- Plusieurs textures disponibles : crème dessert, boisson lactée, soupe…
- Des goûts variés : salé, sucré, fruité…
- Des conditionnements ergonomiques : bouteille avec une prise en main facilitée…
Cette diversité de CNO permet, d’une part, d’adapter la prescription aux besoins de vos patients, à l’existence ou non d’une pathologie (ex. diabète), à leurs handicaps éventuels (ex. troubles de la déglutition) et à leurs préférences1,11.
D’autre part, il est possible de varier les types de CNO afin d’éviter la lassitude et ainsi favoriser l’observance11.
Voici une liste de 6 conseils à donner à vos patients pour bien consommer les CNO1,7,10 :
- Consommer les CNO pendant ou en-dehors des repas, toujours en plus de l’alimentation habituelle (et non à la place)1 : les CNO peuvent être pris lors de collations, environ 2 heures avant ou après un repas pour préserver l’appétit au moment de passer à table.
- Boire lentement les CNO pour favoriser leur digestion10.
- Ne pas hésiter à varier les goûts et les textures de CNO1,7 : un sujet à évoquer au comptoir de l’officine ou en consultation.
- Intégrer éventuellement les CNO aux recettes du quotidien10 : des recettes sont disponibles en ligne, notamment dans la rubrique « Recettes » de notre site internet fresubin-et-moi.
- Consommer les CNO à la bonne température (froid, glacé ou réchauffé)1,10,12 : les produits sucrés sont souvent plus appréciés quand ils sont servis bien frais, et les produits salés sont généralement à consommer chaud (se référer aux conseils d’utilisation : pour ne pas dénaturer le produit, il est souvent recommandé de les réchauffer sans faire bouillir au bain-marie ou au micro-ondes).
- Respecter les conditions de conservation après ouverture des CNO1 : se référer aux indications mentionnées sur les emballages des produits.
Médecins et pharmaciens, vous avez des rôles complémentaires dans la mise en place et le suivi de la complémentation nutritionnelle orale13. Les modalités de prescription et de délivrance ont été redéfinis par l’arrêté du 7 mai 201913 :
- Première prescription par le médecin pour une durée d’1 mois maximum.
- Première délivrance par l’équipe officinale en 2 temps : d’abord 10 jours, puis le reste après évaluation de l’observance du patient à l’officine et adaptation si nécessaire du CNO délivré (dans les limites des indications de l’ordonnance du médecin).
- Renouvellements si besoin par tranches de 3 mois maximum après une réévaluation par le médecin : poids, statut nutritionnel, évolution de la ou des pathologies sous-jacentes, estimation des apports alimentaires spontanés, tolérance et observance des CNO.
Dernier recours : nutrition artificielle
Il est parfois nécessaire de mettre en place une nutrition artificielle en cas de dénutrition1,7 :
- La nutrition entérale est indiquée en cas d’échec de la prise en charge nutritionnelle orale, et en première intention en cas de troubles sévères de la déglutition et de dénutrition sévère avec apports alimentaires très faibles1. Une sonde est mise en place pour apporter une solution nutritive dans l’estomac ou l’intestin grêle7.
- La nutrition parentérale est quant à elle indiquée en cas d’échec de la nutrition entérale, de malabsorptions sévères anatomiques ou fonctionnelles, et d’occlusions intestinales aiguës ou chroniques1. Une perfusion est mise en place pour apporter une solution nutritive dans la circulation sanguine7.