La dénutrition est une situation fréquemment rencontrée en oncologie¹. On estime en France qu’elle concerne environ 40 % des patients atteints de cancer, toutes localisations et tous stades de la maladie confondus^2,3.

Cela représente l’équivalent de plus de 1,5 millions de patients concernés si l’on se base sur la dernière estimation du nombre de personnes de 15 ans et plus vivant avec un cancer ou en ayant guéri en 2018 (3,8 millions)¹⁰.

La prévalence de la dénutrition est plus importante dans certains types de cancers¹¹. Elle est notamment supérieure à 50 % chez les patients atteints d’un cancer du foie (55 %), d’un cancer du pancréas (54-67 %), et d’un cancer de l’oesophage ou de l’estomac (53-60 %)^2,3.

On constate également que la dénutrition est plus fréquente dans les formes avancées de cancers (42 % des cas diagnostiqués chez des patients présentant un cancer métastatique, versus 27 % en cas de tumeur localisée)².

Enfin, il a aussi été mis en évidence que ce déséquilibre nutritionnel touche particulièrement les patients les plus âgés (44,9 % des patients atteints de cancer âgés de 70 ans et plus, versus 36,7 % des patients de moins de 70 ans)¹².

La dénutrition chez vos patients atteints de cancer peut être liée à la maladie elle-même¹³. Les perturbations du fonctionnement des cellules et l’inflammation induites par la tumeur augmentent les dépenses énergétiques¹⁴. Vos patients peuvent avoir moins d’appétit en raison des réactions inflammatoires¹⁴. La localisation de la tumeur peut gêner la prise alimentaire¹³.

La dénutrition peut aussi être liée aux effets secondaires des traitements anticancéreux (chimiothérapie, radiothérapie, immunothérapie…)^13,15,16 : perte d’appétit, modification du goût et de l’odorat, troubles digestifs, sécheresse de la bouche, douleur dans la bouche, difficultés à avaler ou à mastiquer, etc.
D’autres facteurs peuvent également favoriser une dénutrition chez les personnes atteintes de cancers¹³ : anxiété liée au diagnostic, isolement, perte d’autonomie, problèmes financiers, etc.

Un état de dénutrition peut avoir de nombreuses conséquences chez les patients atteints de cancer :

• Réduction de l’efficacité des traitements anticancéreux⁵
• Augmentation du risque de complications associées aux traitements^4,16,17
• Gêne dans le déroulement des traitements (interruption et report parfois nécessaires)^4,9
• Défaut de cicatrisation après une intervention chirurgicale⁵
• Diminution des défenses immunitaires, favorisant des infections plus fréquentes et plus sévères (exemple : risque multiplié par 4 de développer une infection nosocomiale)^5,9,17
• Dégradation de l’état général et altération de la qualité de vie (fonte musculaire, risque accru de chutes, fatigue importante, etc.)^4,9,18
• Risque de perte d’autonomie, en particulier en cas de dénutrition chez des patients âgés^13,19
• Retentissement psychique et relationnel^5,9
• Durée d’hospitalisation plus longue, et risque de réhospitalisation^9,18
• Augmentation du risque de mortalité¹⁸

La Société Francophone de Nutrition Clinique et Métabolisme (SFNCM) précise que les personnes atteintes d’un cancer sont 5 % à 25 % à décéder des conséquences de la dénutrition et non de leur maladie cancéreuse¹⁷.

La lutte contre la dénutrition passe d’abord par un dépistage précoce : la SFNCM recommande d’intégrer une évaluation nutritionnelle au dispositif d’annonce du cancer⁶.

Il est ensuite important de surveiller l’état nutritionnel des patients atteints de cancer tout au long de leur parcours de soins^7,9. Cette surveillance peut permettre d’identifier le plus tôt possible les signes d’une dénutrition tels qu’une éventuelle perte de poids et/ou une réduction des apports alimentaires^20,21,22.

Tous les professionnels de santé peuvent être en première ligne pour détecter des signes d’alerte de dénutrition en médecine de ville, à l’hôpital et en établissement médicalisé spécialisé : médecins, diététiciens, infirmiers, pharmaciens…^8,23

La HAS n’a pas établi de critères spécifiques pour le diagnostic de la dénutrition chez les patients atteints de cancer¹¹. Il faut se référer aux critères établis pour la population générale : le diagnostic de dénutrition peut être posé en présence d’au moins un critère étiologique, et d’au moins un critère phénotypique^20,21,22.

La présence d’une pathologie maligne évolutive étant considérée comme un critère étiologique, il suffit pour poser le diagnostic de dénutrition chez les patients atteints de cancer d’identifier un critère phénotypique : perte de poids, IMC bas, réduction de la masse et/ou de la fonction musculaire^20,21,22,24.

Critères phénotypiques à surveiller chez les patients adultes^20,21,22

Adultes < 70 ans

• Perte de poids ≥ 5 % en 1 mois ou ≥ 10 % en 6 mois ou ≥ 10 % par rapport au poids habituel avant le début de la maladie
• IMC < 18,5 kg/m²
• Réduction quantifiée de la masse musculaire et/ou de la fonction musculaire

Adultes ≥ 70 ans

• Perte de poids ≥ 5 % en 1 mois ou ≥ 10 % en 6 mois ou ≥ 10 % par rapport au poids habituel avant le début de la maladie
• IMC < 22 kg/m²
• Sarcopénie confirmée par une réduction quantifiée de la force et de la masse musculaire

Quel que soit son statut nutritionnel, un patient atteint de cancer peut bénéficier d’un accompagnement diététique et nutritionnel pour lui permettre d’adopter une alimentation adaptée9,25. Cette prise en charge fait partie des soins de support en oncologie7,25.

La HAS recommande une stratégie de prise en charge de la dénutrition adaptée selon le statut nutritionnel du patient et le niveau de ses apports alimentaires spontanés en énergie et protéines8 :

• des conseils nutritionnels et un enrichissement de l’alimentation en première intention ;
• l'usage de compléments nutritionnels oraux (CNO) quand les mesures diététiques ne suffisent pas ;
• la mise en place d'une nutrition artificielle en dernier recours.

Cette prise en charge personnalisée peut faire intervenir différents professionnels de santé selon la situation8,26 : médecins généralistes, spécialistes, diététiciens, pharmaciens, infirmiers…

Les besoins en énergie et protéines chez les patients atteints de cancer ont été précisés dans les recommandations publiées en 2021 par la Société Européenne de Nutrition Clinique et Métabolisme (ESPEN)27 :

• un besoin journalier en énergie entre 25 et 30 kcal par kilogramme de poids corporel ;
• un apport journalier en protéines supérieur à 1 gramme par kilogramme de poids corporel, et si possible jusqu’à 1,5 grammes par kilogramme de poids corporel.